This post is also available in: Anglais

Avec le soutien du Blue Action Fund (BAF) et du Green Climate Fund (GCF), Blue Ventures et ses partenaires de mise en œuvre, la Fondation Aga Khan / OSDRM, ABALOBI et MIHARI, viennent de démarrer un projet de conservation et d’engagement communautaire avec les communautés des îles Barren. Nous avons discuté avec Graham Ragan, le coordinateur du projet, pour en savoir plus sur les îles Barren, les personnes qui migrent vers ces îlots chaque année, et les initiatives que Blue Ventures va soutenir.

A l’approche de Nosy Lava, avec le skipper de Blue Ventures, Tibou Solondrainy. Photo : Julia Vera, Fondation Aga Khan.

 

Les îles Barren représentent presque la frontière ultime de Madagascar. Même de nombreux Malgaches ignorent leur existence. C’est un archipel de neuf îlots, situés entre 20 et 30 kilomètres au large de la côte ouest de Madagascar. Des îlots entièrement constitués de récifs coralliens, de sable et de quelques petits arbustes.

Au cours des vingt dernières années, les îles Barren sont devenues le lieu de résidence temporaire de groupes de pêcheurs migrants vezo et de leurs familles, contraints de quitter leurs lieux de pêche traditionnels sur la côte ouest où les stocks de poissons sont épuisés. Par la force des choses, ils ont trouvé une raison de reprendre espoir aux îles Barren, où les stocks de poissons sont encore abondants. Alors chaque printemps, après la saison des cyclones, ces pêcheurs vezo et leurs familles entreprennent un périlleux voyage de deux à trois jours depuis leurs villages sur le continent vers les îlots, où ils restent souvent jusqu’à neuf mois.

Ces pêcheurs migrants vivent physiquement et métaphoriquement à l’extrême limite ; lorsque nous sommes allés leur rendre visite avec nos partenaires au début du projet, nous avons réalisé à quel point les îlots sont éloignés. Il nous a fallu deux heures en bateau à moteur depuis l’île principale de Madagascar, ce qui est déjà long. Faites ce trajet dans une pirogue à balancier de pêcheur, et il vous faudra neuf à dix heures. Une fois que vous y êtes, les îlots sont vraiment stupéfiants. On ne voit que l’océan à perte de vue, et puis tout à coup, à l’extrême pointe de l’horizon, on distingue enfin quelques taches qui prennent forme.

La communauté de Nosy Mangily accueille Blue Ventures, Aga Khan et ABALOBI sur son île. Photo : Jenny Maltby, Blue Ventures.

Vous accostez dans une eau d’une dizaine de nuances différentes de bleu, vous arrivez sur le sable, et vous voici devant une rangée de petites pirogues sur une longue plage. De nombreux pêcheurs se tiennent à proximité de leurs bateaux, en train de réparer leurs filets ou de travailler sur leurs embarcations. Nous avons été accueillis presque immédiatement par les résidents temporaires des îles Barren ; beaucoup avaient déjà rencontré Blue Ventures auparavant et nous connaissaient. Ils nous ont fait asseoir et nous ont servi du thé et des patates douces frites ; c’était délicieux. Nous avons tenu une réunion communautaire pour discuter des raisons de notre présence et nous présenter officiellement aux aînés de la communauté.

Tacia, présidente de la communauté de Nosy Lava, parle à Blue Ventures, à la Fondation Aga Khan et à Abalobi des difficultés de la vie sur l’île. Photo : Julia Vera, Aga Khan Foundation. 

La vie sur les îles, aussi magnifiques qu’elles soient, reste basique. Il n’y a pas de système d’assainissement, pas de latrines à fosse, et aucune source d’eau douce. Il n’y a pas de cliniques ni de système de soins de santé, de sorte que les accidents et les urgences peuvent prendre des heures, voire des jours, avant d’être traités. Les pêcheurs amènent leurs familles, y compris leurs très jeunes enfants, et il n’y a aucun accès à l’éducation, aucune école. Il y a des dizaines d’enfants sur chaque îlot. Les besoins fondamentaux – eau, santé, éducation – ne sont pas satisfaits.

Environ 500 à 600 personnes vivent de cette façon. Il est difficile d’en connaître le nombre exact car il y a un mouvement constant de personnes qui vont et viennent sur le continent pour s’approvisionner, qui y restent quelques semaines, puis reviennent. Environ 130 personnes vivent sur Nosy Lava, la plus grande et la plus peuplée des îles Barren. Entre 15 et 70 personnes vivent et pêchent sur chacun des autres îlots.

Mamoloso, une pêcheuse Vezo sur Nosy Lava, à côté de ce qui lui sert de maison temporaire durant son séjour de pêche dans les îles Barren. Photo : Jenny Maltby, Blue Ventures.

L’accès à l’eau douce est un problème majeur pour les communautés des îles Barren. La plupart des gens dépendent des expéditions d’approvisionnement vers le continent pour rapporter des jerricans d’eau, mais un aller simple en pirogue à balancier peut prendre une journée entière selon la météo. L’île de Nosy Lava dispose d’un bassin de captage d’eau, mais des fissures sont apparues récemment. Chaque fois qu’il pleut, toute la communauté se précipite vers le bassin avec des seaux vides pour recueillir autant d’eau douce que possible, mais ils voient souvent la ressource la plus précieuse de l’île disparaître à travers les fissures.

Vous vous demandez peut-être : s’ils ne trouvent plus de poissons dans la mer le long de leur côte, pourquoi les pêcheurs vezo prennent-ils de tels risques pour aller jusqu’à ces îles éloignées ? Pourquoi ne cessent-ils pas simplement de pêcher et ne trouvent-ils pas une autre activité ? C’est une bonne question, dont la réponse n’est pas si simple. Pour le peuple vezo de Madagascar, la pêche est essentielle à leur identité et à leur existence en tant que tribu. C’est une partie intrinsèque de leur culture. Les Vezo ne peuvent exister sans la pêche, et la décision de pêcher sur les îles Barren est intimement liée à cela. C’est ce désir de conserver ce qui leur donne une identité et peut-être un sens à leur existence. Pour eux, s’il n’y a plus de poisson dans leurs eaux, la seule chose à faire est d’avancer et d’aller plus loin jusqu’à ce qu’ils puissent trouver de nouveau de quoi pêcher.

madagascar; Symphorien Nihala Maniry Soa; vezo

Le mot Vezo signifie pagayer. Notre tribu définit notre identité et notre relation étroite avec l’océan. Vezo est également un mot utilisé pour les personnes qui plongent, pêchent, glanent, et peuvent fabriquer et vendre des bateaux. Nous pêchons, plongeons et glanons pour gagner notre vie. C’est ce à quoi nous pensons lorsque nous nous réveillons, et c’est ce dont nous rêvons lorsque nous nous endormons » –  Symphorien Nihala Maniry Soa, Chargé des media de sensibilisation, Madagascar

Ce qui est donc essentiel pour la survie du peuple vezo et de son mode de vie, c’est la survie de l’océan. La santé de l’océan et celle des communautés qui en dépendent sont complètement indissociables, et c’est là que Blue Ventures intervient. Blue Ventures vient de lancer un projet de cinq ans soutenu par le Blue Action Fund et le Green Climate Fund pour accroître la résilience de ces communautés face au changement climatique et créer une Aire Marine Protégée permanente pour les îles Barren. Blue Ventures ne s’attaque pas à ce projet seul, mais fait partie d’un incroyable consortium de partenaires : ABALOBI, la Fondation Aga Khan, connue localement à Madagascar sous le nom d’OSDRM (Organisation de Soutien pour le Développement Rural de Madagascar), et MIHARI

Louis et Nolavy, deux pêcheurs de Nosy Lava, l’une des îles Barren, démêlant leurs filets après une sortie de pêche. Photo : Jenny Maltby, Blue Ventures.

Le projet vise à répondre aux problématiques des îles Barren sous différents angles. ABALOBI va développer une application de surveillance mobile et former les membres de la communauté à la collecte et la restitution des données, ce qui permettra de faire le suivi des principales pêcheries et de la biodiversité dans les îles Barren. L’OSDRM sera le fer de lance de la partie du projet dédiée à la diversification des moyens de subsistance, en présentant aux communautés des activités de subsistance qui permettront de compléter leurs revenus de la pêche par d’autres revenus. Nous travaillons également avec MIHARI, qui va mettre en place un programme de formation sur la gestion des Aires marines protégées (AMP), en se concentrant sur le changement climatique et les approches d’adaptation basées sur les écosystèmes (AbE) pour la gestion de la pêche, un élément important du travail de plaidoyer du projet. 

Faire prendre conscience à chacun de la nécessité de protéger la vie marine est un aspect majeur du travail de Blue Ventures dans les îles Barren. Nous voulons montrer aux communautés que ce n’est pas seulement important d’un point de vue environnemental, mais aussi essentiel pour les moyens de subsistance du peuple vezo en migration. Les îles Barren possèdent l’un des écosystèmes marins les plus riches en biodiversité et les plus florissants de l’océan Indien occidental, et il est donc urgent de le protéger et de le conserver. Cela ne peut se faire sans la participation et l’engagement des communautés locales.

Clément, un pêcheur vivant sur Nosy Lava, dans les îles Barren. Photo : Jenny Maltby, Blue Ventures.

Pendant longtemps, le fléau du secteur de la conservation a été d’ostraciser et d’écarter les communautés au lieu de les garder au cœur de l’action. Les communautés de pêcheurs vivent le long des côtes, connaissent les récifs et passent chaque jour en mer. Ce sont elles qui, en fin de compte, vont faire en sorte que l’océan prospère ou décline. Nous devons donc amener les communautés, les partenaires gouvernementaux et les différentes parties prenantes à s’asseoir à la même table, sans exclure ceux qui ont été historiquement marginalisés.

Je suis convaincue que le travail avec [Blue Action Fund] et Blue Ventures va nous aider dans notre travail de pêche. Il va se focaliser sur le suivi des activités en mer, vérifier ce qui peut être nocif pour l’environnement marin. Il va aussi vérifier ce qui peut être fait ou ce qui ne peut être fait.” 

“Nous devons travailler pour vivre, et si nous obtenons de bons produits grâce à notre travail de pêche, des gens comme vous vont nous les acheter. C’est difficile d’obtenir de l’argent juste comme ça. Ce n’est pas motivant. Mais sachant que mon produit va être acheté, je suis davantage motivée à travailler pour obtenir plus de profit. » – Une pêcheuse vezo des îles Barren

Mamoloso, Olivia, Luciana et Selina, quatre femmes vezo originaires d’Andavadoaka, dans le sud-ouest de Madagascar, parlent à Blue Ventures de la façon dont elles migrent vers les îles Barren à certaines périodes de l’année en fonction des conditions météorologiques. Photo : Jenny Maltby, Blue Ventures.


Les organisations qui participent à ce projet sont :

  • Blue Ventures – Conservation marine and engagement communautaire
  • La Fondation Aga Khan / OSDRM – Diversification des moyens de subsistance
  • ABALOBI – Développement d’une application de suivi mobile pour les collecteurs de données sur les îlots
  • MIHARI – Programme de formation sur la gestion des AMP, travail de plaidoyer

Posted by Blue Ventures

Blue Ventures is an award winning marine conservation charity. We rebuild tropical fisheries with coastal communities. On our Beyond Conservation blog you can hear voices from the front line of marine conservation written by our staff and volunteers.

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *