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Je suis technicien forestier de formation. Pendant 25 ans, dont ces quatre dernières années au sein de Blue Ventures, j’ai appuyé les communautés à faire du reboisement, en particulier dans la région DIANA, au nord de Madagascar, où j’ai passé la majorité de ma vie éducative et professionnelle.

A l’approche de ma retraite professionnelle, j’éprouve de la fierté d’avoir travaillé avec les communautés côtières sur un projet de reboisement, au travers de ma mission auprès de Blue Ventures. Si vous le voulez bien, je vais vous expliquer pourquoi.

Un jour, j’ai organisé une visite de plantations villageoises de bois-énergie dans la baie de Tsimipaika, au nord-ouest de Madagascar. Ce jour-là, nous avons parcouru plusieurs kilomètres à travers des collines et des plaines dégradées, sous un soleil accablant et une chaleur étouffante. Il n’y avait pas la moindre ombre car il ne reste plus aucun arbre, sauf quelques “arbres du voyageur” (ravinala en langue malgache), un palmier extrêmement répandu et le seul arbre que l’on voit pousser dans les paysages défrichés de Madagascar. Au bout de deux heures de marche, les visiteurs n’arrivaient plus à dissimuler la fatigue sur leur visage.

A l’arrivée, tout en haut d’une colline, tout le monde a ressenti un grand soulagement. Les visiteurs ont eu le réflexe de s’abriter immédiatement à l’ombre de grands arbres, sous lesquels la température était rafraîchissante. De là, ils ont pu profiter d’une vue magnifique sur la baie de Tsimipaika, avec des petits villages de pêcheurs tout autour, sous une brise légère. 

Photo: Ben Honey

Ils ignoraient qu’ils avaient pris place sous des Acacia mangium plantés par Paul Marisy, un des producteurs du village voisin d’Ankingabe. Ces arbres à feuillage persistant attirent déjà l’attention, au milieu de la colline, avec leurs dix centimètres de diamètre et leurs cinq mètres de hauteur, atteints en deux ans seulement. J’ai expliqué aux visiteurs que Paul avait débuté la plantation de bois-énergie en 2017, convaincu de la nécessité de reboiser. Ici, il n’y a presque plus de bois naturel, sauf les mangroves. Et ces mangroves sont elles aussi de plus en plus dégradées, à cause de la fabrication excessive de charbon de mangroves.

La déforestation à Madagascar est l’une des plus alarmantes parmi les pays tropicaux : le taux annuel de déforestation est passé de 0,82 % dans les années 90 à 1,50 % entre 2010 et 2013. Ce dernier taux équivaut à une perte de 122 957 hectares de forêts par an. Les trois causes principales : la culture agricole sur brûlis, l’exploitation forestière illicite et abusive (notamment de bois à haute valeur), et la production de combustible comme le charbon de bois et le bois de chauffe.

Le bois est une ressource naturelle indispensable à la majorité des communautés, notamment pour la cuisson de leur nourriture, et pour la construction de leurs maisons et de leurs meublesA Madagascar, le bois est une ressource naturelle indispensable à la majorité des communautés, notamment pour la cuisson de leur nourriture, et pour la construction de leurs maisons et de leurs meubles. Mais il y a un déséquilibre croissant entre l’offre et la demande. Avec l’accroissement démographique, la demande augmente, et la production de bois, de source naturelle ou issue de plantations, ne suffit plus à satisfaire les besoins. La situation est d’autant plus préoccupante que les forêts jouent d’autres rôles primordiaux : pour la protection du sol contre l’érosion, dans la lutte contre le tarissement des sources d’eau, pour la purification de l’air et pour la séquestration de gaz carbonique et l’atténuation du changement climatique.

Photo: Garth Cripps

L’équipe de Blue Ventures d’Ambanja, dont la mission est de « Collaborer avec les communautés de la baie de Tsimipaika pour innover et développer des modèles de gestion durable de leurs ressources », a soutenu la production de bois-énergie de 17 producteurs individuels du village d’Ankingabe. L’Acacia mangium, une essence d’arbre à croissance rapide exploitable cinq ans après la plantation, a été introduite. Afin que la communauté puisse être autonome sur cette activité, une pépinière a été établie, avec un leader communautaire en charge de l’organisation. Il en a été fait de même dans trois villages voisins.

Concrètement, comment ça se passe ? Les pépinières se préparent en septembre, avec l’aide de volontaires qui sont indemnisés pour leurs journées travaillées. Les leaders communautaires sont en charge de toute l’organisation, de la mobilisation des producteurs, de l’arrosage quotidien, du suivi de l’ombrage et de la propreté de la pépinière. Au bout de trois mois, les plants sont suffisamment grands pour pouvoir les transplanter. 

Un des défis pour les producteurs est cette dernière étape. La transplantation requiert beaucoup de temps, surtout pour les producteurs dont les terrains sont loin du village, accessibles uniquement par des sentiers escarpés. Or les producteurs de bois-énergie doivent aussi se consacrer à la pêche ou l’agriculture, car les plantations ne leur rapportent pas de revenus financiers les cinq premières années.

Photo: Leah Glass

Pour motiver les propriétaires de terrain malgré cette attente très longue, Blue Ventures les appuie dans la sécurisation de chaque parcelle et dans la procédure administrative d’obtention d’un titre foncier auprès du service communal. Cela permet de garantir leurs droits d’accès à la terre et aux ressources, sans peur d’être expulsé par l’Etat et de voir ses plantations et ses biens détruits. Neuf titres fonciers sont ainsi été conférés officiellement à des producteurs villageois. Treize autres sont en cours d’élaboration.

Ce système d’incitation, mais aussi le contrat d’engagement mutuel signé entre chaque producteur et Blue Ventures sécurisant tout le processus technique et administratif, et la réussite de la majorité des arbres ont porté leurs fruits. Deux ans après le lancement de l’activité, les quarante producteurs de bois-énergie de ces quatre villages sont restés motivés. Depuis 2016, environ 72 000 arbres ont été plantés sur une surface totale d’environ 70 hectares. Tous les producteurs sont prêts à continuer ce projet dans les années à venir, afin de satisfaire les besoins en bois-énergie de leurs communautés, et de leurs descendants.

Mon plus grand souhait est de voir ces communautés s’épanouir et acquérir l’autonomie suffisante pour organiser et réaliser toutes les activités liées à leur développement. Maintenant, je peux prendre ma retraite le coeur serein, avec l’espoir que l’initiative soit reproduite dans bien d’autres villages qui en ont tant besoin.

Emmanuel (à gauche) avec un cultivateur (à droite) dans sa pépinière de bois d’Acacia mangium | Photo: Ben Honey

 

Ce projet a été financé par le Royaume-Uni avec l’aide du peuple britannique et par le projet GEF Blue Forests.

Apprenez-en plus sur le magnifique Acacia mangium et comment il peut aider à sauver les mangroves de Madagascar!

Posted by Louise Gardner

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