This post is also available in: Anglais Malagasy

A Madagascar, des membres de la communauté de Belo sur Mer – surtout des femmes – ont relevé le défi de l’aquaculture villageoise.

Je n’avais aucun avenir avant la culture des algues. Mes fils avaient quitté le village et je n’avais aucun moyen de subvenir à mes besoins car je suis trop vieille pour pêcher. Maintenant, il y a un moyen de gagner sa vie, et pas seulement pour moi. Les gens ont l’espoir de pouvoir vivre ici encore longtemps. » – Madame Tunisia

Je ne peux m’empêcher de me réjouir pour Madame Tunisia et les autres fermiers, qui ont raconté récemment leur histoire dans une vidéo à l’intention des autres membres de la communauté. Notre village de Belo sur Mer, sur la côte sud-ouest de Madagascar, est connu dans tout le pays pour ses charpentiers de marine qui construisent des botry, des goélettes traditionnelles. Ici, tout le monde ou presque est pêcheur. L’isolement géographique, le climat aride et le manque d’infrastructures limitent les autres activités économiques. Mais la vie marine s’épuise, sous l’effet du changement climatique ainsi que de la surpêche due à la croissance démographique et à la venue de petits pêcheurs et de pêcheurs industriels de l’extérieur. En 2020, une étude publiée dans la revue Frontiers in Marine Science a confirmé scientifiquement ce que les pêcheurs de la région ont constaté au cours des dernières décennies : le nombre et la taille des poissons sont en nette diminution.

En raison de ce déclin, Blue Ventures a donc aidé les membres de la communauté de Belo sur Mer et de ses environs à trouver une activité économique autre que la pêche qui leur permette de vivre de la mer de façon durable. La communauté a choisi la culture des algues rouges : également connues sous le nom de Cottonii, les algues rouges sont utilisées dans l’industrie alimentaire et cosmétique comme agent de texture.

Pourquoi la culture d’algues?

La culture des algues a été privilégiée en raison du soutien de l’entreprise privée COPEFRITO (devenue plus tard Ocean Farmers), qui travaillait déjà avec des fermiers d’algues de l’Aire Marine Protégée de Velondriake 150 km plus au sud. Une autre raison était que la culture des algues permet plusieurs cycles de culture par an et fournit donc un revenu régulier. Enfin, pour les femmes qui représentaient la majorité des premiers fermiers – les hommes étant accaparés par les journées de pêche en mer –, c’était l’opportunité d’une émancipation économique. Mes collègues Solo, Tôto et moi-même, tous originaires du village, avons été formés pendant un mois auprès de COPEFRITO, pour pouvoir former à notre tour les 30 premiers fermiers, en nous concentrant sur les activités pratiques : bouturage, installation des cordes avec les boutures dans la mer, maintenance des matériels, récolte, séchage, tri, mise en sac.

Nous avons aidé chaque fermier à choisir puis à installer sa première parcelle. C’est le plus rude travail, surtout quand il faut renforcer les lignes avec de lourds sacs de sable. Nous étions là pour aider à l’installation des nouvelles lignes, et à la pesée dans le magasin avant la vente. Pendant cette phase initiale d’apprentissage, l’objectif pour les fermiers était d’atteindre progressivement la productivité attendue pour 60 lignes d’algues. La culture d’algues a bientôt représenté un petit revenu complémentaire pour les fermiers comme Mme Filiany Raharisoa, mariée à un pêcheur et mère de sept enfants.

J’ai pu payer les frais nécessaires pour envoyer mes enfants à l’école, un privilège que je n’ai jamais eu » – Filiany Raharisoa, fermière

L’élément déclencheur

Pour soutenir le processus, nous nous sommes réunis tous les mois avec les fermiers pour évaluer les progrès, les défis et les réussites. Au fil du temps, nous nous sommes rendu compte que l’apprentissage des bonnes techniques ne suffisait pas : la motivation et la productivité des agriculteurs dépendaient d’un seuil de production et de revenus de la culture des algues. Alors, en impliquant un coordinateur, nous avons mis en place un modèle de suivi des performances, augmenté les lignes d’algues par centaines pour maximiser la production, et renforcé notre soutien de proximité aux groupes de fermiers. Le prix d’achat du kilo d’algues a été établi en fonction des objectifs de chaque zone agricole.

Le modèle de suivi des performances comporte deux critères. Le premier critère, quantitatif, prend en compte le poids d’algues récoltées par ligne et par cycle de culture, ou encore le temps de présence des fermiers sur les parcelles. Le second critère est qualitatif et prend en considération les bonnes pratiques agricoles, telles que la qualité des boutures, le suivi des maladies et du broutage des poissons, ainsi que les bonnes pratiques environnementales, comme l’explique Thomas Picart, directeur des opérations chez Ocean Farmers.

Les fermiers sont devenus membres des associations qui gèrent les Aires Marines Gérées Localement (AMGL). Leur adhésion a permis d’inclure la culture d’algues dans les processus de gestion communautaires et a facilité l’engagement des fermiers dans les actions de gouvernance durable de la pêche. La démarche vise également à réduire les risques de conflits liés au partage des espaces entre les parcelles et les botry. Le soutien de proximité offert aux fermiers et la stratégie visant à le relier aux performances de chaque parcelle ont été un élément déclencheur. Les fermiers ont agrandi leurs parcelles et ont consacré plus de temps à la culture des algues, en tant qu’activité économique à part entière.

La culture des algues est devenue la principale source de revenus de ma famille. Nous avons construit une maison plus solide et mon mari a réduit ses activités de pêche pour aider à la culture des algues » – Filiany Raharisoa

Résultat

En 2020, Ocean Farmers a fixé un objectif de production annuelle de 80 tonnes d’algues sèches. Si les fermiers atteignaient l’objectif, cela prouverait que l’activité était rentable et que l’entreprise pouvait installer une équipe permanente à Belo sur Mer. L’objectif a été largement dépassé : les 82 fermiers ont produit 92,4 tonnes d’algues sèches (soit une augmentation de la production de plus de 350% entre 2018 et 2020). Il y a quelques mois, Blue Ventures a transféré le pilotage direct de l’activité à Ocean Farmers.

On estime que les fermières consacrent environ 90% de leur temps de travail à la culture d’algues, et 10% à l’activité de pêche avec leur mari, constate Thomas Picart. De façon générale, 15 à 20% des fermiers se consacrent quasi exclusivement à la culture d’algues. »

Pour permettre une meilleure résilience financière des membres de la communauté, des groupes d’épargne communautaire ont été mis en place, basés sur la méthodologie SILC de l’ONG Catholic Relief Services. Ils sont ouverts à tous, mais ce sont les fermiers d’algues les plus motivés et les plus nombreux pour y participer.

Grâce à la culture d’algues, nous pouvons donner de la viande à nos enfants les jours de fête, et gagner de quoi vivre lorsque le mauvais temps nous empêche de pêcher », confie Madame Tsaravelo.


Par François ANDRIANOMENJANAHARY, Superviseur Aquaculture, Belo sur Mer, Madagascar


Découvrez Le pari ambitieux de l’aquaculture villageoise de concombres de mer dans le sud-ouest de Madagascar

Découvrez comment l’aquaculture stimule la bioéconomie à Zanzibar


Merci à Norges Vel – la Société royale norvégienne pour le développement – pour son soutien lors des premières années de notre programme d’aquaculture dans l’AMP Velondriake et dans la région de Belo sur Mer.

Posted by Blue Ventures

Blue Ventures is an award winning marine conservation charity. We rebuild tropical fisheries with coastal communities. On our Beyond Conservation blog you can hear voices from the front line of marine conservation written by our staff and volunteers.

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *