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Il y a trois ans, lorsque j’ai pris mes fonctions de responsable régionale pour le Nord-Ouest de Madagascar chez Blue Ventures, mon superviseur m’avait dit : « Le plus grand défi que tu auras à relever, c’est d’inverser la diminution dramatique des forêts de mangrove dans la région ». En effet, les 140 000 hectares de précieuses forêts de mangroves du nord-ouest de Madagascar sont menacés, avec un taux annuel de déforestation de 3,74% dans le district d’Ambanja, où les gens coupent le bois pour la cuisine et la construction. Or non seulement ces forêts de mangroves absorbent d’énormes quantités de carbone et constituent une barrière naturelle de protection contre les tempêtes et les inondations, mais elles offrent également un refuge essentiel à la vie marine, ce qui permet de maintenir les moyens de subsistance des populations côtières.

C’est pourquoi, en 2015, Blue Ventures a lancé un programme de bois énergie alternatif à Ambanja avec un premier groupe de cinq pêcheurs et agriculteurs qui étaient motivés pour se lancer dans l’arboriculture, à la fois comme moyen de subsistance alternatif mais aussi comme source durable de charbon de bois susceptible de remplacer le charbon de bois de mangrove. Actuellement, seuls 18 % de la demande de charbon de bois à Ambanja et dans le centre touristique voisin, Nosy Be, peuvent être satisfaits par des plantations de bois énergie durables, le reste provenant principalement de la coupe illégale de forêts de mangroves.

Au début, cette technique semblait un peu complexe, confie Manitriavy, l’un des nouveaux producteurs de bois énergie. Mais après avoir testé les méthodes améliorées, il m’est apparu clairement que cette nouvelle technique était vraiment adaptée à nos besoins : elle n’est pas si différente de notre pratique habituelle, et le rendement et la qualité de la production sont bien meilleurs! »

L’idée de base d’une plantation de bois énergie alternatif est de planter des arbres à croissance rapide (ici, des Acacia mangium), qui peuvent être récoltés après seulement trois ou quatre ans, selon les conditions environnantes. Lorsqu’un arbre est prêt à être récolté, le bois coupé est brûlé dans un four pour créer du charbon de bois – un processus appelé carbonisation. Le charbon de bois est ensuite utilisé comme source d’énergie, principalement pour la cuisine. Dans les villes du nord-ouest de Madagascar, l’électricité est parfois peu fiable et, dans les villages, elle est totalement absente, de sorte que la cuisson électrique pour la cuisine n’a jamais été une option.

Au cours des trois dernières années, nous avons consacré beaucoup de temps et d’efforts à la recherche de sources d’énergie alternatives pour la cuisine. Nous nous sommes intéressés à certains cuiseurs solaires, mais ils se sont avérés trop chers pour les communautés avec lesquelles nous travaillons. De même, nous avons discuté avec une start-up innovante qui développe des biodigesteurs, mais ceux-ci étaient également trop coûteux. Nous avons aussi testé des bio-briquettes à base de carton dans la ville de Toliara, dans le sud-ouest, mais il y a peu de carton dans la ville d’Ambanja, qui est beaucoup plus petite, ici, dans le nord. Notre organisation partenaire pour le projet de bois énergie alternatif, Nitidae, a même exploré la possibilité de produire des briquettes faites à partir de coquilles de noix de cajou, mais il n’y a pas assez d’anacardiers ici.

Bien que toutes les méthodes aient leurs avantages, chacune d’entre elles comporte ses propres limites. J’ai réalisé qu’il n’y avait pas de solution unique miracle pour produire de l’énergie durable pour la cuisine dans ce lieu isolé, mais que le charbon de bois produit à partir des Acacia mangium pouvait certainement constituer une partie de la solution.

Manohizara, un producteur de bois énergie alternatif, dans sa plantation | Photo : Louise Gardner

Depuis le lancement du projet en 2015, 40 producteurs ont planté 105 000 arbres, sur environ 100 hectares. En 2020, les arbres avaient bien grandi, il était temps de les récolter. Pour soutenir les producteurs tout au long de ce processus, nous nous sommes associés à l’ONG internationale Nitidae, qui développe des projets innovants qui préservent l’environnement tout en contribuant à l’économie locale. Étant donné son expertise dans le domaine des chaînes de valeur et de l’énergie durable, Nitidae était un partenaire idéal pour ce projet.

Nitidae allait aider les producteurs de bois énergie à obtenir plus de charbon de bois de meilleure qualité, grâce à des techniques de carbonisation plus efficaces que les méthodes habituelles, souvent improvisées, qui donnent un charbon de bois de moins bonne qualité et donc de moindre valeur.

Nitidae et Blue Ventures ont donc organisé une réunion avec les cinq producteurs qui étaient prêts à récolter leurs arbres pour la production de charbon de bois. Anthony, de Nitidae, a présenté quelques améliorations simples mais efficaces que la formation allait couvrir. Les producteurs ont tout d’abord appris le processus de séchage du bois avant combustion pour éviter l’humidité dans le four. Ensuite, ils ont été formés à la façon de placer le bois dans le four pour augmenter la densité, et à la manière de le sceller avec du sable et des feuilles afin que la fumée et la chaleur ne puissent pas s’échapper.

Les producteurs ont été particulièrement intrigués par l’utilisation d’une cheminée et de tubes de ventilation pour contrôler la circulation de l’air et donc la température dans le four : plus le bois est brûlé lentement, meilleure est la qualité du charbon.

 

Deux mois après la première session de formation, après avoir récolté et séché leur bois, les producteurs étaient prêts à construire leurs fours en utilisant ce qu’ils avaient appris jusqu’alors : couper et empiler le bois, le recouvrir de sable et de feuilles, et réguler la température à l’aide des tubes de ventilation. Après 3 à 5 jours (selon la taille du four), le bois avait brûlé et le charbon de bois était prêt à être collecté et pesé.

Avant de me lancer dans l’arboriculture, sourit Manitriavy, je n’étais pas conscient de la valeur et du potentiel de revenus de cette activité. Mais depuis que je suis impliqué dans cette culture, j’en tire déjà des bénéfices et je m’en réjouis, non seulement pour la couverture de ma parcelle mais aussi pour les alentours : ça reverdit ! Lors de cette première phase test, j’ai gagné mes premiers revenus de ma plantation. Ce n’est que le début, mais c’est le fruit de mes efforts, et cela me motive pour l’avenir. »

Alors que les fours traditionnels ont un ratio bois/charbon d’environ 10-15%, nous avons pu atteindre un ratio de 20-25%. En termes d’impact environnemental, cela signifie que pour 1 kg de charbon de bois produit dans les plantations d’Acacia mangium, on préserve 8 kg de bois provenant d’une forêt de mangrove ou d’une zone protégée.

Nous savons tous que l’environnement ne cesse de se dégrader, notamment à cause de la déforestation, souligne Manitriavy. Ici, il est maintenant strictement interdit par le service forestier de faire des coupes dans les forêts naturelles de mangrove. Je suis convaincu à 100% que beaucoup de gens pourraient planter leurs propres arbres à croissance rapide sur leurs parcelles, même juste pour produire le charbon de bois nécessaire à leur propre consommation pour la cuisine. Ma première production a été une bonne expérience, donc j’encourage avec confiance les autres à s’engager dans cette voie, qui présente des bénéfices pour les producteurs, et qui peut contribuer à empêcher l’effondrement de tout notre écosystème à cause de la déforestation. »

Dans le district d’Ambanja, les 12 associations communautaires qui gèrent localement leurs ressources naturelles sont regroupées en fédération, la Fédération Miaramiantagna. Cette fédération joue un rôle clé dans la sensibilisation sur les impacts environnementaux de la coupe des mangroves, mais aussi, et surtout, sur ses impacts socio-économiques possibles sur les communautés. Avec notre soutien, la Fédération Miaramiantagna a choisi d’imprimer son logo sur les sacs de charbon de bois, avec la mention suivante : ‘Charbon de bois provenant d’une plantation d’Acacia mangium – Ce produit permet aux communautés locales de gérer et de protéger les mangroves pour le bien-être de tous’.

Les membres de la Fédération Miaramiantagna ont promu et vendu le nouveau charbon de bois durable à Ambanja aux côtés des producteurs, en expliquant qu’il contribue à la protection des forêts de mangrove. En échange, la fédération a reçu 1 000 Ariary par sac (chaque sac est vendu 12 000 Ariary), ce qui permet de financer les salaires des patrouilleurs de surveillance de la mangrove et aussi d’offrir quelques rafraîchissements aux participants aux journées de reboisement de la mangrove qui ont lieu plusieurs fois dans l’année.

Lorsque je suis retournée voir Manitriavy sur sa plantation en décembre, j’ai constaté le miracle de la nature : à l’endroit même où les arbres avaient été coupés, on pouvait déjà voir une myriade de jeunes pousses. C’est tellement stimulant de penser que dans à peine quelques années, ces jeunes pousses deviendront à leur tour de grands arbres et offriront de nouvelles perspectives à Manitriavy et à sa communauté.

Nouveaux semis | Photo : Cécile Schneider


Pour en savoir plus sur les plantations de bois énergie alternatif à Ambanja

Pour en savoir plus sur nos projets Mangroves

Découvrez notre film sur Tahiry Honko, le plus grand projet communautaire de conservation de carbone dans la mangrove


 

Posted by Cécile Schneider

Cécile is Blue Ventures' Regional Manager for northwest Madagascar, providing a regional vision and leadership in building the capacity of communities for coastal and marine resource management, as well as managing outreach to partners.

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